JournĂ©es Subduction OcĂ©anique en VallĂ©e d’Aoste (Alpes Occidentales, Italie)
La plaque ocĂ©anique subduite (la TĂ©thys alpine) affleure en continu en VallĂ©e dâAoste. Elle peut ĂȘtre suivie de sa base mantellique serpentinisĂ©e jusquâaux produits magmatiques de la croĂ»te, plus ou moins intensĂ©ment mĂ©tamorphisĂ©s, et aux mĂ©tasĂ©diments. Nous y avons mĂȘme le choix entre trois coupes diffĂ©rentes de la plaque ocĂ©anique, donnant lieu Ă trois sĂ©ries mĂ©ta-ophiolitiques : la sĂ©rie Zermatt-Saas, Ă©clogitique et souvent rĂ©Ă©quilibrĂ©e ; la sĂ©rie Combin, en faciĂšs schistes-bleus ou plus souvent schistes-verts ; la sĂ©rie Grivola-Urtier (Cogne, Valsavarenche), Ă©clogitique avec assemblages tectoniques trĂšs mĂ©langĂ©s. Les itinĂ©raires qui suivent sont choisis dans le cadre des deux premiĂšres sĂ©ries ophiolitiques en fonction de leur progression pĂ©dagogique. Lâexposition est calibrĂ©e pour des enseignants en Sciences de la Terre avec des Ă©lĂšves dĂ©jĂ informĂ©s en gĂ©nĂ©ral sur la tectonique des plaques et lâorogenĂšse alpine.
GĂ©osite du Pont Romain : la serpentinite
Le parcours balisĂ© du GĂ©osite Ponte Romano â Tsailleun, dotĂ© dâune brochure touristique en français (« Du Pont Romain Ă lâOcĂ©an perdu ») disponible Ă lâOffice du Tourisme de Saint-Vincent, encadre convenablement le site au sein de ce territoire alpin et de son histoire gĂ©ologique.
Commune : Saint-Vincent (VallĂ©e dâAoste, Italie)
AccĂšs : en provenant du centre (Office du Tourisme) prendre vers lâest la rue de Rome, passer le rond-point vers la rue du Pont Romain, puis devant la pompe dâessence tourner Ă gauche rue des FrĂšres Marc-Grivaz, dĂ©passer le village de Cillian et se garer en face du hameau de Chadel (terminus du car).
GPS : N 45°44.423 â E 07°39.678 (396.000,00 â 5.066.300,00)
Départ à pied : altitude 620 m, sentier à droite de la ruelle goudronnée pour Feilley (balise jaune).
Durée de la marche : 15 minutes, dénivelé 60 m.
Le sentier sâĂ©lĂšve dâabord parmi les chĂątaigniers et les chĂȘnes pubescents, pour grimper peu aprĂšs au milieu des premiers rochers de serpentinite, colonisĂ©s par une vĂ©gĂ©tation tout Ă fait remarquable : pulsatille des montagnes, Ćillet des rochers, silĂšne armĂ©rie, mais surtout lâalysson argentĂ© et la fougĂšre Notholaena marantae, deux espĂšces trĂšs liĂ©es aux serpentinites. Plus loin nous croiserons aussi, parmi dâautres, le cĂ©raiste, la molĂšne de Boerhaave et beaucoup de bleuets et de coquelicots, tĂ©moins dâanciens champs de cĂ©rĂ©ales.
Face Ă la grande vallĂ©e le sentier se met Ă plat au BelvĂ©dĂšre dâen haut, oĂč lâon fera le premier arrĂȘt.
CĂŽtĂ© vallĂ©e nous jouissons dâun bon point de vue sur un palĂ©o-Ă©boulement bien prĂ©servĂ©, avec une grande niche de dĂ©collement en creux et un grand bombement Ă son pied, formĂ© par les Ă©boulis, sectionnĂ©s par la riviĂšre. En effet, il y a quelques milliers dâannĂ©es, câest-Ă -dire quelques temps aprĂšs la derniĂšre glaciation, cet Ă©boulement a affectĂ© un gros noyau de mĂ©tabasites dans la mĂȘme unitĂ© tectonique que celle oĂč nous nous trouvons. Au fond de la vallĂ©e, vers lâamont, sâĂ©talent les terrasses sableuses formant lâancien fond du lac de barrage, qui sâallongeait sur une vingtaine de kilomĂštres.
CĂŽtĂ© montagne, le rocher affleure ici fraĂźchement sans patine dâaltĂ©ration. Il nous montre une roche verte dans lâensemble, plutĂŽt lisse au toucher, avec un litage principal et une fine schistositĂ© de direction trĂšs variable. Dans la section naturelle plusieurs minĂ©raux sont visibles sous forme de lentilles trĂšs dĂ©formĂ©es en rĂ©gime ductile : il y en a des blancs montrant de petits cristaux Ă angle droit, des verts plus foncĂ©s et plus rugueux que la masse, et des gris trĂšs Ă©tirĂ©s constituĂ©s dâune pĂąte en fines lamelles plus ou moins brillantes. De petits noyaux parsemĂ©s dans la roche sont enfin bien Ă©vidents : les uns sont roux, les autres sont noirs, ces derniers pouvant aussi apparaĂźtre comme dissous dans la masse verte.
Sortons de notre poche un outil indispensable en pays ophiolitique : un aimant. Il colle fort aux petits noyaux noirs : câest de la magnĂ©tite. De la magnĂ©tite parsemĂ©e dans une masse verte feuilletĂ©e et onctueuse au toucher comme du talc : le verdict tombe aussitĂŽt, câest de la serpentinite.
RĂ©visons nos connaissances sur cette roche. La serpentinite ocĂ©anique se forme Ă partir de la pĂ©ridotite du manteau lithosphĂ©rique, par fracturation et hydratation Ă tempĂ©rature modĂ©rĂ©e (< 200°C). La pĂ©ridotite est constituĂ©e dâolivine et de pyroxĂšnes avec un peu de plagioclase ou spinelle, un ensemble de minĂ©raux contenant beaucoup de magnĂ©sium, et aussi du fer et du calcium. Le magnĂ©sium de lâolivine et du clinopyroxĂšne se dĂ©place dans le rĂ©seau Ă feuillets du minĂ©ral hydratĂ© serpentine, qui accueille aussi quelques autres ions. Suivant le type dâaccommodation des deux couches dont il est constituĂ©, le phyllosilicate serpentine Mg6(OH)8Si4O10 peut se prĂ©senter sous trois formes minĂ©ralogiques principales : chrysotile, lizardite, antigorite. Le fer de la pĂ©ridotite se mĂ©lange Ă la nouvelle roche sous forme d’aiguilles, veines ou nodules de magnĂ©tite Fe2+Fe3+2O4. Le calcium CaO peut se combiner avec les fluides de CO2 pour former de la calcite CaCO3.
Essayons maintenant dâapprofondir un peu lâanalyse de la roche qui affleure devant nous.
La masse verte est trĂšs compacte, sans fibres : il sâagit de la variĂ©tĂ© antigorite. Seule lâantigorite est stable aux hautes pressions. On nous dira que tout lâaffleurement est constituĂ© dâantigorite.
Les lentilles blanches tordues, faites de petits cristaux Ă la cassure orthogonale, sont constituĂ©es de clinopyroxĂšnes Ă Ca et Mg, mais leur bords trĂšs nets et leur forme parfaitement adaptĂ©e Ă la schistositĂ© font penser quâils se sont cristallisĂ©s beaucoup plus tard, dans la masse dĂ©jĂ serpentinisĂ©e, Ă la faveur de lâenfouissement alpin de la plaque ocĂ©anique.
Enfin, les nodules roux sont des cristaux de titanclinohumite, un minĂ©ral riche en titane et proche de lâolivine, qui nĂ©cessite dâune pression trĂšs Ă©levĂ©e pour se cristalliser. Notons aussi que le titane est presque absent des pĂ©ridotites alors quâil est concentrĂ© dans certains magmas : notre serpentinite a donc dĂ» ĂȘtre « contaminĂ©e » par des gabbros et cela demande un certain rĂ©chauffement en profondeur.
Nous disposons encore dâun Ă©lĂ©ment intĂ©ressant : les boudins gris trĂšs Ă©tirĂ©s. Ils sont constituĂ©s dâun minĂ©ral trĂšs tendre, sur lequel un peu plus loin des cupules et dâautres signes rupestres ont Ă©tĂ© gravĂ©s dans un passĂ© mystĂ©rieux. Ce minĂ©ral est la chlorite, qui apparaĂźt au sein de roches basiques et ultrabasiques lors de la dĂ©compression, câest-Ă -dire de la remontĂ©e, en milieu hydratĂ©. Il sâagit donc du dernier venu dans notre roche.
Donnons aussi un coup dâĆil Ă la carte gĂ©ologique structurale : nous sommes ici prĂšs de lâextrĂ©mitĂ© sud dâune Ă©norme Ă©caille de manteau serpentinisĂ©, longue de quelque 60 km et large de 30, surmontĂ©e par endroits de mĂ©tabasites et de mĂ©tasĂ©diments de haute mer : aucun doute donc quâil sâagit dâune ancienne plaque ocĂ©anique subduite.
En conclusion, cette roche nous renseigne sur un milieu ocĂ©anique de formation, suivi dâun parcours alpin dâenfouissement profond et dâexhumation.
En poursuivant le chemin vers le sommet nous longerons sur la droite un petit mur en pierre sĂšche oĂč abondent les blocs erratiques en granite provenant du Mont Blanc. Parmi eux, nous noterons quelques mĂ©tagabbros Ă amphibole et surtout un bloc de glaucophanite riche en grenats, provenant vraisemblablement du proche Valtournenche. Ces blocs Ă©clogitiques arrondis par le transport ne sont pas rares dans la grande vallĂ©e, puisquâils sont tenaces et rĂ©sistants Ă lâĂ©rosion. Rappelons que lâĂ©clogite, roche basique de haute pression-basse tempĂ©rature, est le meilleur marqueur de la subduction.
Le sommet du Mont Tsailleun, 680 m, est un dos de serpentinite bien arrondi par lâancien glacier et plutĂŽt panoramique.
De retour au parking, il est possible de vĂ©rifier sur dâautres roches ocĂ©aniques le trajet de subduction dĂ©tectĂ© sur la serpentinite. Pour cela, il suffit de traverser la route rĂ©gionale et rentrer dans le village de Chadel. Au milieu des vieilles maisons en pierre sĂšche, se dresse un imposant rocher noir en forme de pyramide, avec une cavitĂ© dâĂ©rosion torrentielle vers le sommet (« marmite des gĂ©ants »). Ă sa base, avec un bon Ă©clairage, on peut reconnaĂźtre des grenats, petits mais bien formĂ©s, dans un fond vert de pyroxĂšne sodique : câest la dĂ©finition mĂȘme dâĂ©clogite, la roche indicatrice de la subduction.
Beaucoup dâobservations sont possibles sur cet affleurement de croĂ»te ocĂ©anique, non seulement quant Ă sa composition basique, mais aussi quant aux rapports gĂ©omĂ©triques et tectoniques avec lâĂ©caille de manteau serpentinisĂ© en face. Noter pour cela le fin litage ondulĂ© qui affecte les Ă©pidotes, minĂ©raux de lâexhumation.
La croûte océanique profonde
Nous savons que la section verticale de toute plaque océanique comporte grosso modo trois niveaux :
1. à sa base un manteau lithosphérique serpentinisé ;
2. suivi vers le haut dâune croĂ»te magmatique intrusive (gabbros) et effusive (basaltes) ;
3. le tout étant coiffé par des sédiments de haute mer.
Nous venons dâobserver une grande masse de manteau lithosphĂ©rique serpentinisĂ©, reproduisant assez fidĂšlement le niveau 1 de la plaque ocĂ©anique. Lors des arrĂȘts suivants nous passerons aux autres niveaux, Ă commencer par lâancienne croĂ»te magmatique ; mais ne nous attendons plus cette fois Ă retrouver les niveaux ocĂ©aniques tels quels. DĂ©jĂ au sein des serpentinites nous avons remarquĂ© un certain nombre de minĂ©raux qualifiĂ©s dâ « alpins » car apparus bien plus tard dans des contextes qui nâĂ©taient plus ocĂ©aniques. Or, pour lâobservation de la croĂ»te ocĂ©anique profonde (niveau 2) nous disposons dâune roche dont tous les minĂ©raux ont Ă©tĂ© ultĂ©rieurement rĂ©Ă©laborĂ©s Ă haute pression / basse tempĂ©rature, des anciens assemblages magmatiques ne gardant que, parfois, la gĂ©omĂ©trie des cristaux. La composition chimique totale de notre roche, fluides Ă part, est Ă peu prĂšs la mĂȘme quâĂ lâorigine, avec abondance de fer, de magnĂ©sium, de calcium, de titane, mais ces Ă©lĂ©ments sont distribuĂ©s dans des minĂ©raux diffĂ©rents, avec des rĂ©seaux cristallins moyennement plus denses. En fait, les minĂ©raux des roches magmatiques de la croĂ»te ocĂ©anique sont beaucoup plus sensibles Ă lâenvironnement gĂ©odynamique (tempĂ©rature, pression, prĂ©sence de fluides) que ceux de la serpentinite. La nature nous pourvoit ainsi dâun excellent thermobaromĂštre pour suivre le chemin dâenfouissement de la roche aprĂšs son cycle ocĂ©anique et pendant son cycle alpin. Les minĂ©raux mĂ©tamorphiques issus des anciennes roches magmatiques ne demandent quâĂ ĂȘtre identifiĂ©s, et ils ne se cachent pas.
Commune : Antey-Saint-AndrĂ© (VallĂ©e dâAoste, Italie)
AccĂšs : Autoroute A5 sortie ChĂątillon ; route rĂ©gionale n° 46 direction Breuil-Cervinia ; dans le chef-lieu dâAntey prendre Ă droite direction La Magdeleine ; avant la fin de lâhabitat prendre Ă gauche pour HĂ©rin ; se garer aprĂšs le troisiĂšme virage en Ă©pingle Ă gauche, GPS 391.058.00 / 5.073.900.00.
Altitude : 1265 m.
Situation de lâaffleurement : en bord de route et quelques mĂštres plus haut.
DurĂ©e de lâarrĂȘt : 1 h ou plus.
PĂ©riode : la cĂŽte Ă©tant bien exposĂ©e au soleil, la neige fond assez vite, parfois mĂȘme en hiver.
Note : route adaptĂ©e aux cars moyens, type 40 places ; sinon prĂ©voir une petite demi-heure de marche au dĂ©part du chef-lieu dâAntey.
Le Valtournenche tout entier, de la cuvette du Breuil au pied du Cervin jusquâĂ la grande vallĂ©e de la Doire, se creuse dans les unitĂ©s ocĂ©aniques subduites. LâunitĂ© infĂ©rieure de Zermatt-Saas, base de lâauge glaciaire, forme les flancs de la moyenne et basse vallĂ©e. Plus haut le sillon sâouvre en replats de pĂąturage sur les terrains de lâunitĂ© ocĂ©anique supĂ©rieure du Combin. Pour cet arrĂȘt, nous demeurons Ă lâintĂ©rieur de lâunitĂ© ocĂ©anique profonde de Zermatt-Saas.
Sur lâensemble de la pente, la roche actuelle garde en partie la texture Ă gros cristaux de lâancien gabbro ocĂ©anique. Cette particularitĂ© sera pour nous une preuve supplĂ©mentaire de son origine magmatique, la preuve principale Ă©tant sa composition chimique ferromagnĂ©sienne. En gĂ©nĂ©ral la roche montre des nodules dâamphibole verte sĂ©parĂ©s par des lits fins et ondulĂ©s de plagioclase blanc. Lâancien gabbro est donc partout plus ou moins dĂ©formĂ© sous rĂ©gime ductile. Mais par endroits, surtout sur une cĂŽte qui remonte le long du versant un peu de biais, la dĂ©formation atteint son maximum, et modifie la composition minĂ©ralogique : les lits magmatiques se resserrent en bandelettes vert clair de pyroxĂšne sodique et bleu foncĂ© dâamphiboles, le plagioclase disparaĂźt, et la surface se hĂ©risse de grenats roux et saillants.
Regardons de prĂšs cet ensemble de minĂ©raux. Le pyroxĂšne sodique (omphacite), vert clair brillant, est le principal repĂšre pour la pression, câest-Ă -dire pour la profondeur maximale atteinte : dans ce contexte, il nâapparaĂźt quâau-delĂ de 40-60 km. Lâamphibole bleue est le principal tĂ©moin de la tempĂ©rature : selon la profondeur, la tempĂ©rature maximale quâelle peut supporter va de 550 Ă 600°C. Les amphiboles sont riches en fer et/ou en magnĂ©sium, et ce sont des minĂ©raux hydratĂ©s : deux qualitĂ©s qui sâaccommodent bien dâune plaque ocĂ©anique. Le grenat permet de dĂ©finir le champ de stabilitĂ© de lâensemble. VoilĂ donc les Ă©clogites, roches basiques dont le nom Ă©voque un Ă©quilibre de haute pression / basse tempĂ©rature, qui correspond Ă une grande profondeur avec un faible gradient gĂ©othermique, ce qui finalement veut dire subduction.
Dans lâensemble de la roche, rares sont les assemblages minĂ©raux qui tĂ©moignent dâun chemin mĂ©tamorphique rĂ©trograde : la remontĂ©e de la roche nâa pas laissĂ© de traces trĂšs Ă©videntes, si ce nâest la dĂ©stabilisation dâune partie de lâomphacite et lâaltĂ©ration de certains grenats.
La croûte océanique supérieure : les grands fonds océaniques face au Cervin.
Avant dâarriver face au Cervin, cette Ă©poustouflante pyramide africaine de 4500 m entre Mont Rose et Grandes Murailles, un dĂ©nivelĂ© modĂ©rĂ© nous fait passer en revue toute la plaque ocĂ©anique subduite.
Commune : Valtournenche (VallĂ©e dâAoste, Italie)
AccĂšs : de lâautoroute A5 sortie ChĂątillon puis route rĂ©gionale n° 46  en direction de Cervinia. Peu aprĂšs le chef-lieu de Valtournenche Ă gauche portail tĂ©lĂ©cabine Cime Bianche, grand parking. Si la tĂ©lĂ©cabine est fermĂ©e continuer jusquâau Lac Bleu (2000 m) et prendre le sentier n° 107 puis n° 21 (300 m et 1 h 30 en plus, bien suivre le parcours sur la carte ou sur GPS).
Départ à pied : altitude 2285 m, station supérieure de la télécabine.
Arrivée : belvédÚre du Cervin à la Motte de Plété Centrale 2870 m.
DurĂ©e : prĂ©voir une journĂ©e pour un dĂ©nivelĂ© de 600 m et les arrĂȘts gĂ©ologiques.
Période : sans neige au sol, en général entre juin et octobre.
Conseils particuliers : sâinformer de lâheure de la derniĂšre course de la tĂ©lĂ©cabine.
Ă la sortie de la tĂ©lĂ©cabine prendre le sentier n° 20 qui est en fait une piste en terre jusquâĂ lâalpage du Grand Plan 2500 m. Peu aprĂšs lâalpage la piste fait un virage Ă droite ; aprĂšs ce virage le sentier quitte la piste sur la gauche et tout de suite il reçoit Ă gauche le sentier n° 21 avant de traverser le ruisseau Cleyva Groussa. La cĂŽte rocheuse sur la rive droite de ce ruisseau retiendra notre attention : sur quelques dizaines de mĂštres de dĂ©nivelĂ©, surtout vers le bas, les amphibolites reprennent par endroits leurs anciens Ă©quilibres minĂ©ralogiques de haute pression-basse tempĂ©rature avec omphacite et grenat. Nous sommes donc rassurĂ©s que nous sommes bien Ă lâintĂ©rieur de lâunitĂ© ocĂ©anique Ă©clogitique de Zermatt-Saas qui constitue le soubassement de la pile de nappes soit ocĂ©aniques que continentales situĂ©e au pied du Cervin.
Suivons ensuite le sentier n° 21 qui traverse le petit vallon et entreprend la montée à mi-cÎte de la grande pente détritique en direction NW.
En contrebas dâun premier petit ressaut, nous rencontrons un affleurement incongru mais assez prĂ©sent dans la vallĂ©e, celui des « quartzites micacĂ©s » ou “schistes quartzeux”. Ce sont des roches claires, grises ou beige, Ă lâallure de micaschistes ou parfois de gneiss, avec beaucoup de quartz. Ces roches nâont rien dâocĂ©anique: elles se placent Ă la base d’une mince sĂ©rie de marge continentale ici insĂ©rĂ©e entre les deux unitĂ©es ocĂ©aniques.
En contrebas dâun deuxiĂšme ressaut plus marquĂ©, autour de 2650 m dâaltitude, nous rentrons en contact avec la partie la plus voyante de cette sĂ©rie continentale, cette bande blanche qui marque le paysage dĂšs notre arrivĂ©e en tĂ©lĂ©cabine. Elle est tellement mince que quelques Ă©boulis sur son parcours suffisent par moments Ă la cacher. Avec ses coulĂ©es de blocs blancs, on dirait un feston accrochĂ© tout au long de la pente. Maintenant que nous la tenons, nous constatons quâelle est formĂ©e de calcaires et de dolomies (« marbres dolomitiques ») mais la carte nous renseigne que, par endroits, sa base est constituĂ©e de quartzites tabulaires. Il sâagit en fait de la sĂ©rie triasique classique, bien connue dans les Alpes françaises sous les appellations de « piĂ©montais » ou « prĂ©-piĂ©montais », amputĂ©e de quelques membres. Sa position tectonique, ici au nord de la Doire, est quand mĂȘme inĂ©dite, pincĂ©e comme elle lâest au contact entre la nappe ocĂ©anique Ă©clogitique (dessous) et la nappe ocĂ©anique schistes-verts (dessus). Du fait de sa trĂšs faible compĂ©tence, câest-Ă -dire sa grande facilitĂ© Ă se dĂ©former plastiquement sous pression, nous ne verrons jamais de minĂ©raux mĂ©tamorphiques dans cette unitĂ©, ni de fossiles non plus.
Le sentier se faufile dans un milieu rocailleux, puis il enjambe une crevasse en lĂ©gĂšre descente et parvient au croisement avec le sentier n° 19 qui monte directement des alpages du bas. Ă ce point, qui correspond au dernier vallon avant le sommet plat de la Motte de PlĂ©tĂ© Ouest, on prend rĂ©solument Ă droite, hors du sentier, et on remonte le vallon. Cette unitĂ© ocĂ©anique du Combin nous apparaĂźt enfin en toute sa grandeur, avec ses schistes lustrĂ©s surmontant les mĂ©tabasites (« prasinites ») sur les nombreuses coupes dues aux gradins dâeffondrement. Les mĂ©tabasites sont intensĂ©ment tordues et repliĂ©es, puis aplaties ; les schistes lustrĂ©s les secondent en partie. La composition des mĂ©tabasites comprend des amphiboles vertes (actinolite en gĂ©nĂ©ral) et du plagioclase albitique. Epidote, chlorite, prehnite et quartz peuvent ĂȘtre prĂ©sents.
Au bout du vallon, le grand replat sillonnĂ© par les fentes dâeffondrement simule une mer de schistes lustrĂ©s avec ses vagues, au fond de laquelle sâĂ©lĂšve lâimmense pyramide du Cervin. Lâorientation de la foliation est presque horizontale et assez uniforme sur les Ă©paisseurs considĂ©rables quâon peut mesurer sur les fentes et les bords du plateau. De gros rognons vert clair brillant de mĂ©tabasites affleurent dans la fente principale un peu plus haut, vers lâest. Par contre Ă lâouest vers le bord du replat ce sont des rochers noirs qui attirent lâattention : il sâagit dâun ressaut de serpentinite comme on ne la voit jamais dans la nappe infĂ©rieure Ă©clogitique. Aucun minĂ©ral de haute pression nâest visible. Dans la nappe du Combin la serpentinite est nettement minoritaire, voire sporadique ; elle ressemble beaucoup Ă celle qui affleure dans le massif du Chenaillet dans le Briançonnais, Ă mĂ©tamorphisme trĂšs faible.
En marchant vers le bord nord du replat nous rencontrons des « champignons » formĂ©s dâune dalle verte de mĂ©tabasite qui protĂšge une colonne beige de schistes lustrĂ©s. Cette colonne reprĂ©sente un ancien niveau de schistes lustrĂ©s par ailleurs dissous ou Ă©miettĂ©s tout autour et emportĂ©s par lâĂ©rosion.
Au bord du plateau nous jouissons en plein du prestigieux panorama du Cervin et de toute la cuvette du Breuil. Pour en comprendre le charme gĂ©ologique il faut dâabord imaginer le massif cristallin du Mont Rose, un peu cachĂ© sur la droite, avec ses roches continentales lĂ©gĂšres rebondissant en surface aprĂšs la subduction. Sur son dos, ce massif remonte aussi les nappes ocĂ©aniques sur lesquelles nous nous trouvons et que nous observons devant nous dans la cuvette. Ces nappes ocĂ©aniques sâinclinent vers notre gauche (Ă lâouest) en sâappuyant, on peut toujours lâimaginer, sur la pente de la coupole cristalline ici ensevelie. Ă son tour, la pyramide du Cervin coiffe ces nappes ocĂ©aniques avec ses roches « africaines », en tout cas continentales, qui continuent le long de la Grande et de la Petite Muraille sur notre gauche (« nappe de la Dent Blanche » des auteurs suisses). Les nappes ocĂ©aniques refont surface au sud-ouest, grĂące au retrait vers lâouest de la nappe continentale du Cervin.
Pour le retour, si on nâest pas un fin connaisseur des lieux, il vaut mieux reprendre le mĂȘme chemin quâĂ la montĂ©e.
Quelques solutions dâurgence en cas de mĂ©tĂ©o incertaine ou neige au sol en altitude
Ăclogites ocĂ©aniques
En plus du rocher noir de Chadel (GĂ©osite du Pont Romain-Tsailleun Ă Saint-Vincent) oĂč les minĂ©raux ne sont pas spectaculaires, il est possible dâexploiter dâautres affleurement ou rochers Ă©boulĂ©s Ă basse altitude.
- Les falaises de Saint-Clair Ă Pontey. Elles affleurent le long de la route rĂ©gionale dite « de lâenvers » entre le pont sur la Doire Ă cĂŽtĂ© de la gare de ChĂątillon et le hameau de Torin. Face au pont commence le sentier n° 1 pour Ussel ; une glaucophanite Ă grenat, Ă peine reconnaissable, se trouve tout de suite au premier ruisseau (GPS 392.615.00 / 5.066.347.00) et un peu plus haut avant le torrent de Pessey. Dâautres rochers semblables sont plus ou moins bien visibles ou accessibles en bord de route vers le village de Torin (GPS 391.860.00 / 5.066.240.00) et juste en amont du village de Tsesanouva, sur le sentier qui mĂšne Ă Â Hallien (GPS 390.040.00 / 5.065.520.00).
- Le rocher de Piaou Ă ĂmarĂšse. Il se trouve en contrebas de la route rĂ©gionale n° 33, sur le sentier n° 8 vers ĂrĂšsaz, posĂ© sur la premiĂšre crĂȘte panoramique en provenant de la route. Il expose aussi bon nombre de pseudomorphoses de lawsonite, ce minĂ©ral prĂ©cieux pour son domaine de stabilitĂ© trĂšs rĂ©duit qui permet des mesures thermo-baromĂ©triques prĂ©cises.
- Lâaffleurement de Veulla Ă Chamois. GPS 392.390.00 / 5.076.780.00. Il se trouve Ă 1650 m dâaltitude sur le chemin montant de Buisson et de Nuarsaz (Antey) Ă Chamois ; donc il faut quand mĂȘme monter un dĂ©nivelĂ© de 530 m Ă pied. Un bon parking pour car se trouve Ă proximitĂ©, au dĂ©part du tĂ©lĂ©phĂ©rique pour Chamois. Lâaffleurement de pyroxĂšne sodique plus grenat est de bonne qualitĂ©Â ; avant et aprĂšs on notera quelques autres éclogites avec glaucophane. Le mĂȘme groupe de roches expose un joli ensemble de coussins de lave (pillow lava) en faciĂšs Ă©clogitique.
- Lâaffleurement de Comagne Ă ĂmarĂšse. GPS 400.208.00 / 5.066.850.00. Il se trouve à 2020 m un peu en contrebas (SW) de la jonction des deux sentiers qui montent Ă la TĂȘte de Comagne, lâun au dĂ©part de SommarĂšse, lâautre au dĂ©part du Col du Joux (400 m de dĂ©nivelĂ©). Il sâagit dâun rocher de quelques dizaines de mĂštres entiĂšrement constituĂ© de glaucophane, çà et lĂ Â en beaux cristaux centimĂ©triques, avec grenats. Autres affleurements sur la crĂȘte vers le SW.
Métasédiments océaniques
- Le Mont Torrette Ă Saint-Pierre. De la route nationale S.S. 26 Ă Â Saint-Pierre prendre la route rĂ©gionale pour Saint-Nicolas et aussitĂŽt Ă droite pour le chĂąteau, la mairie et la colline de BrĂ©an vers Sarre. Au col se garer au parking, se diriger vers le sommet Ă droite par une piste en terre et continuer en descendant dâun vignoble Ă lâautre. Plusieurs sections dans les calcschistes affleurent tout le long de la pente donnant sur la grande vallĂ©e. Remarquer aussi les figures de cisaillement ductile.
- Saint Solutor Ă Issogne. Entre les villages de Fleuran et de Fava, se garer Ă la chapelle et prendre le sentier n° 4. Les falaises en calcschiste apparaissent dĂ©jĂ au premier virage, mais il y en a dâautres tout de suite aprĂšs les maisons de CrĂ©ton (joli panorama).
Ouvrages dont ont Ă©tĂ© tirĂ©s les cartes et les croquis gĂ©ologiques (dans lâordre des images)
Marthaler M. (2002) â Le Cervin est-il africain ? L.E.P. Lausanne 96 p.
Andreani M., MĂ©vel C., Boullier A.-M., EscartĂn J. (2007) – Dynamic control on serpentine crystallization in veins: Constraints on hydration processes in oceanic peridotites. Geochem. Geophys. Geosyst., 8, Q02012.
Angiboust S., Agard P., Jolivet L., Beyssac O. (2009) â The Zermatt-Saas ophiolite: the largest (60-km wide) and deepest (c. 70â80Â km) continuous slice of oceanic lithosphere detached from a subduction zone? Terra Nova, 21:Â 171â180.
Guillot S., Hattori K.H., Agard P., Schwartz S., Vidal O. (2009) â Exhumation processes in oceanic and continental subduction context: a review. Subduction Zone Geodynamics 978-3.