{"id":4501,"date":"2018-11-11T17:06:10","date_gmt":"2018-11-11T16:06:10","guid":{"rendered":"https:\/\/www.andarpersassi.it\/?p=4501#content"},"modified":"2020-04-13T15:17:05","modified_gmt":"2020-04-13T13:17:05","slug":"le-plus-haut-bas-fourneau-de-suisse","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/andarpersassi.it\/le-plus-haut-bas-fourneau-de-suisse\/#content","title":{"rendered":"Le plus haut bas-fourneau de Suisse ?"},"content":{"rendered":"
\"01.<\/a>

01. Des cailloux de quartz bien arrondis sont parsem\u00e9s dans ce conglom\u00e9rat au ciment feuillet\u00e9.<\/p><\/div>\n

En tout cas, c\u2019est \u00e0 partir de l\u2019Italie qu\u2019il vaut mieux aborder la mont\u00e9e pour s\u2019y rendre. Sur la route qui relie Aoste au Col du Grand Saint-Bernard, \u00e0 2350 m en contrebas du col, un parking en terre battue introduit \u00e0 gauche \u00e0 l\u2019alpage du Baou. L\u00e0 plusieurs chemins se dirigent vers la cr\u00eate fronti\u00e8re : choisir celui le plus \u00e0 droite qui m\u00e8ne \u00e0 la Fen\u00eatre d\u2019en Haut ou Col de Fonteinte (2725 m). Le d\u00e9nivel\u00e9 est donc de moins de 400 m, gu\u00e8re plus pour la T\u00eate de Fonteinte (2775 m).<\/p>\n

Des roches de la Pang\u00e9e<\/h4>\n

Sur ces prairies d\u2019altitude, entre cordons morainiques et anciens glissements enherb\u00e9s, la marche est tranquille, agr\u00e9ment\u00e9e en automne d\u2019excellentes myrtilles.<\/p>\n

Une petite surprise intervient vers 2500 m quand on traverse un replat \u00e0 gros blocs \u00e9boul\u00e9s peut-\u00eatre d\u2019une falaise de Dr\u00f4ne. Sur leur face plane, certains blocs finement feuillet\u00e9s sont parsem\u00e9s de \u00ab boutons \u00bb en relief, de forme arrondie ou ovale, qu\u2019on reconnait comme des cailloux de quartz un peu d\u00e9form\u00e9s. D\u2019autres blocs montrent en coupe leur texture conglom\u00e9ratique.<\/p>\n

\"02.<\/a>

02. Vers le col Fenetre de Ferret apparait l’alternance de bandes blanches (quartzites, anciennes plages sableuses) et noires (schistes graphiteux, anciens mar\u00e9cages carbonif\u00e8res).<\/p><\/div>\n

Cette vivacit\u00e9 d\u2019une roche d\u00e9j\u00e0 polychrome au d\u00e9part permet au randonneur de se faire une vision d\u2019ensemble du terroir sur lequel il marche. D\u2019est en ouest, l\u2019ar\u00eate devant nous montre \u00e0 droite le socle continental, avec des gneiss\/micaschistes aux jolis rubans blancs de quartz provenant vraisemblablement du \u00ab ventre \u00bb de la cha\u00eene hercynienne, active au Pal\u00e9ozo\u00efque avant les Alpes ; de nombreux blocs gisent dans les pr\u00e9s au d\u00e9but de notre randonn\u00e9e. Ensuite quelques blocs \u00e9boul\u00e9s nous d\u00e9voilent comment ces montagnes ont \u00e9t\u00e9 d\u00e9molies par l\u2019\u00e9rosion et accumul\u00e9es dans les bassins en bas de la cha\u00eene : ce sont nos conglom\u00e9rats d\u00e9form\u00e9s.<\/p>\n

Enfin, \u00e0 notre gauche (ouest) affleure l\u2019ancienne couverture s\u00e9dimentaire : des lambeaux de la grande plaine permo-triasique succ\u00e9d\u00e9e \u00e0 la cha\u00eene hercynienne, avec des argilites charbonneuses (noires) et des quartzites tabulaires (blanches) provenant des mar\u00e9cages et des lagunes de la Pang\u00e9e.<\/p>\n

\"03.<\/a>

03. Contact entre les schistes graphiteux et les calcaires dolomitiques.<\/p><\/div>\n

Des traces de l\u2019antiquit\u00e9 ?<\/h4>\n

Plus haut, en contrebas de la cr\u00eate, un sillon s\u2019allonge \u00e0 mi-c\u00f4te, un peu inclin\u00e9, un peu en porte-\u00e0-faux sur la pente, partiellement recouvert par le glissement du talus sup\u00e9rieur. On dirait une \u0153uvre de d\u00e9fense. Si par contre il s\u2019agit d\u2019un processus naturel, il est difficile d\u2019en \u00e9tablir le d\u00e9roulement.<\/p>\n

Une s\u00e9rie de fonds de cabane est visible plus haut dans l\u2019ensellement m\u00eame du col. Leurs caract\u00e9ristiques font penser \u00e0 des constructions tr\u00e8s anciennes, mais la localisation sur un col de passage (et plus r\u00e9cemment de fronti\u00e8re) impose beaucoup de prudence.<\/p>\n

\"04.<\/a>

04. Des fonds de cabane au Col de la Fenetre d’en Haut.<\/p><\/div>\n

Des fouilles avec pr\u00e9l\u00e8vement de bois ou de charbons pourraient pr\u00e9ciser l\u2019\u00e9poque de fr\u00e9quentation et \u00e9ventuellement la destination de ces \u00e9difices.<\/p>\n

Des travaux industriels anciens insoup\u00e7onnables \u00e0 cette altitude<\/h3>\n

En montant du col \u00e0 la T\u00eate de Fonteinte, une mine d\u2019h\u00e9matite (oxyde de fer anhydre) appara\u00eet vers la droite (du c\u00f4t\u00e9 valaisan), sur les rochers de la c\u00f4te nord-est, avec ses d\u00e9blais couleur rouille. De la sid\u00e9rite a aussi \u00e9t\u00e9 signal\u00e9e par les auteurs suisses.<\/p>\n

\"5.\"<\/a>

05. Localisation de certains objets \u00e9tudi\u00e9s aux alentours de la Tete de Fonteinte. D’apr\u00e8s Ansermet & Meisser cit.<\/p><\/div>\n

Cette mine f\u00fbt d\u00e9j\u00e0 illustr\u00e9e par l\u2019abb\u00e9 Murith \u00e0 H. B. De Saussure en 1786. Elle est aussi cartographi\u00e9e dans l\u2019Atlas g\u00e9ologique suisse.<\/p>\n

L\u2019entr\u00e9e de la mine est \u00e9croul\u00e9e, mais des \u00e9chantillons brillants, riches en h\u00e9matite, sont \u00e9tal\u00e9s devant l\u2019ancienne gal\u00e9rie.<\/p>\n

Un peu plus haut, un rocher min\u00e9ralis\u00e9 est aussi visible : il livre de nombreux cristaux oxyd\u00e9s de pyrite, il pr\u00e9sente des traces d’exploration mais il semble n\u2019avoir jamais \u00e9t\u00e9 exploit\u00e9.<\/p>\n

\"06.<\/a>

06. Min\u00e9ralisation \u00e0 pyrite non exploit\u00e9e.<\/p><\/div>\n

\u00c0 l\u2019extr\u00e9mit\u00e9 sud du replat sommital, \u00e0 la grande surprise de tout visiteur averti, se trouvent les restes d\u2019un fourneau \u00e0 base circulaire, les murs en pierre s\u00e8che encore hauts de pr\u00e8s d\u2019un m\u00e8tre et demi. Le mat\u00e9riel de construction est constitu\u00e9 de plaquettes de schiste gr\u00e9seux, align\u00e9es elles aussi sur une \u00e9paisseur d\u2019un m\u00e8tre et demi. Une belle coul\u00e9e de scories rouge\u00e2tres habille la base ouest du four, bien visible m\u00eame par Google Earth.<\/p>\n

Encore \u00e0 c\u00f4t\u00e9, un tas de plaquettes blanches de calcaire dolomitique semble pr\u00eat pour l\u2019utilisation comme r\u00e9ducteur chimique ; ce calcaire provient d\u2019un petit filon en contrebas.<\/p>\n

\"07.<\/a>

07. Le fourneau dans son contexte. Pour l’alimentation en anthracite voir l’image 08.<\/p><\/div>\n

Pour compl\u00e9ter le tableau, le sillon (faille N-S cartographi\u00e9e) en travers de la cr\u00eate qui abrite le fourneau est pourvu d\u2019un affleurement d\u2019anthracite, apparemment de bonne qualit\u00e9 comme combustible.<\/p>\n

Sur la base de ces donn\u00e9es, nous pouvons imaginer la construction d\u2019un bas-fourneau entre le XVIIIe<\/sup> et le XIXe<\/sup> si\u00e8cle pour la fusion de l\u2019h\u00e9matite.<\/p>\n

Ce fourneau pouvait etre aliment\u00e9 par de l\u2019anthracite, combustible non id\u00e9al mais utilis\u00e9 parfois et bien disponible. Par contre ni la pyrite ni apparemment la sid\u00e9rite n’ont \u00e9t\u00e9 prises en consid\u00e9ration.<\/p>\n

\"08.<\/a>

08. Sur le rebord de la faille s’alignent le four avec ses scories et \u00e0 gauche la mine d’anthracite.<\/p><\/div>\n

Pendant la p\u00e9riode napol\u00e9onienne, l\u2019acheminement des produits du four pouvait se faire des deux c\u00f4t\u00e9s de la cha\u00eene puisque les territoires \u00e9taient unifi\u00e9s. L\u2019hypoth\u00e8se d\u2019un four \u00e0 chaux, avanc\u00e9e par deux des auteurs cit\u00e9s, nous para\u00eet moins probable du fait de la pr\u00e9sence de scories, et du faible int\u00e9r\u00eat ici d\u2019une production qui pouvait se faire bien plus confortablement \u00e0 plus basse altitude.<\/p>\n

Se m\u00e9fier des id\u00e9es re\u00e7ues<\/h4>\n

Sur ce replat perch\u00e9 \u00e0 2770 m d\u2019altitude nous avons donc la confirmation du savoir-faire des montagnards qui exploitent plusieurs ressources \u00e0 la fois pour pallier aux contraintes d\u2019un environnement s\u00e9v\u00e8re. Si notre analyse est correcte, \u00e0 partir de trois substances naturelles (h\u00e9matite, calcite, anthracite), chacune en soi difficile \u00e0 utiliser \u00e0 cette altitude, ils ont pu obtenir par combinaison un produit \u00e9conomiquement valable.<\/p>\n

\"09.<\/a>

09. Le fourneau avec ses plaquettes de calcaire blanc, ses scories rouges et le mur le mieux conserv\u00e9. En arri\u00e8re plan le filon de calcaire.<\/p><\/div>\n

D\u2019ailleurs, cette concentration en un petit espace de plusieurs ressources min\u00e9rales ne se v\u00e9rifie g\u00e9n\u00e9ralement qu\u2019en montagne. Nous avons ainsi un indice ult\u00e9rieur que dans son histoire la montagne alpine, loin d\u2019\u00eatre in\u00e9luctablement \u00e9cart\u00e9e du d\u00e9veloppement, entreprend des initiatives dynamiques d\u00e8s qu\u2019elle peut jouir de sa libert\u00e9 d\u2019action.<\/p>\n

Remerciements<\/h4>\n

Je tiens \u00e0 remercier le g\u00e9ologue Paolo Castello qui nous a accompagn\u00e9s sur le site et nous a indiqu\u00e9 les textes d\u00e9j\u00e0 publi\u00e9s \u00e0 ce sujet.<\/p>\n

Bibliographie consult\u00e9e<\/h4>\n

Oulianoff N., Tr\u00fcmpy R. (1958) \u2013 Atlas g\u00e9ologique de la Suisse 1 : 25000, feuille Grand Saint-Bernard<\/em>. Office f\u00e9d\u00e9ral des Eaux et de la G\u00e9ologie, Bern<\/p>\n

Gouffon Y. (1993) \u2013 G\u00e9ologie de la nappe du Grand Saint-Bernard entre la Doire Balt\u00e9e et la fronti\u00e8re suisse<\/em>. M\u00e9moires de G\u00e9ologie (Lausanne) 12<\/strong>, 147 pages, cartes h. t.<\/p>\n

\"11.<\/a>

10. Quelques \u00e9chantillons de l’h\u00e9matite \u00e0 l’entr\u00e9e de l’ancienne mine.<\/p><\/div>\n

Benedetti S., Curdy Ph. (2008) \u2013 Prospections au Col du Grand Saint-Bernard : voies d\u2019acc\u00e8s et passages lat\u00e9raux. In : Une voie \u00e0 travers l\u2019Europe<\/em>, Fort de Bard : 377-390<\/p>\n

Ansermet S., Meisser N. (2013) \u2013 Le plus haut four \u00e0 chaux de Suisse (2770 m), et les mines de la T\u00eate de Fonteinte, Val Ferret, Valais. Minaria Helvetica<\/em> 33<\/strong> : 29-42<\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":"

En tout cas, c\u2019est \u00e0 partir de l\u2019Italie qu\u2019il vaut mieux aborder la mont\u00e9e pour s\u2019y rendre. Sur la route… continua…<\/a><\/p>\n","protected":false},"author":2,"featured_media":5103,"comment_status":"open","ping_status":"open","sticky":false,"template":"","format":"standard","meta":{"footnotes":""},"categories":[3,139,147,2],"tags":[475,383,389,379,397,384,476,382,479,386,478,477,474,378],"_links":{"self":[{"href":"https:\/\/andarpersassi.it\/wp-json\/wp\/v2\/posts\/4501"}],"collection":[{"href":"https:\/\/andarpersassi.it\/wp-json\/wp\/v2\/posts"}],"about":[{"href":"https:\/\/andarpersassi.it\/wp-json\/wp\/v2\/types\/post"}],"author":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/andarpersassi.it\/wp-json\/wp\/v2\/users\/2"}],"replies":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/andarpersassi.it\/wp-json\/wp\/v2\/comments?post=4501"}],"version-history":[{"count":41,"href":"https:\/\/andarpersassi.it\/wp-json\/wp\/v2\/posts\/4501\/revisions"}],"predecessor-version":[{"id":5586,"href":"https:\/\/andarpersassi.it\/wp-json\/wp\/v2\/posts\/4501\/revisions\/5586"}],"wp:featuredmedia":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/andarpersassi.it\/wp-json\/wp\/v2\/media\/5103"}],"wp:attachment":[{"href":"https:\/\/andarpersassi.it\/wp-json\/wp\/v2\/media?parent=4501"}],"wp:term":[{"taxonomy":"category","embeddable":true,"href":"https:\/\/andarpersassi.it\/wp-json\/wp\/v2\/categories?post=4501"},{"taxonomy":"post_tag","embeddable":true,"href":"https:\/\/andarpersassi.it\/wp-json\/wp\/v2\/tags?post=4501"}],"curies":[{"name":"wp","href":"https:\/\/api.w.org\/{rel}","templated":true}]}}